Le gouvernement congolais a rapatrié ce lundi 16 mars 2020 près de 2000 réfugiés burundais qui avaient clandestinement élus domicile dans une résidence privée près du Lac vert dans la ville de Goma.
Dans ce lot, on a retrouvé plusieurs membres d’une secte réprimée par les autorités burundaises appelée “Zebiya.”
Qui sont ces réfugiés et d’où viennent-ils?
Je me base sur les analyses de Marcelin Cikwanine, internationaliste congolais résidant à Bukavu.
Ma publication appelant à la protection des réfugiés réunis à Goma a suscité des vives réactions sur la toile et en privé, les uns disant que ces réfugiés viennent de la Tanzanie et les autres affirmant que ce sont des «rwandais» qui viennent pour occuper les terres des autochtones.
D’une manière générale les Congolais se sont montrés hostiles à leur présence.
Cette publication vise à rétablir la vérité à ce sujet afin d’éviter toute désinformation et décourager ceux qui en profitent pour distiller la haine et pérenniser les «théories du complot» sans fondement mais aussi rappeler la nécessité de trouver des solutions durables à la « question des réfugiés » qui a toujours été au cœur des conflits dans la région des Grands-Lacs.
L’histoire commence en 2008 lorsqu’une burundaise «Muhutukazi» de Businde , province de Kayanza, Eusébie NGENDAKUMANA connue sous le nom de ZEBIYA , chrétienne catholique pratiquante, dit avoir vu “la Sainte Vierge Marie, mère de Jésus et que cette dernière l’a choisi comme sa messagère”. Elle draine aussitôt autour d’elle des foules et fini par agacer l’Eglise catholique du Burundi qui l’accuse de ne pas respecter la doctrine ecclésiastique.
La tension entre l’État et les «brebis égarées de l’Eglise catholique » est alors née d’un bras de fer entre Zebiya, la «prophétesse» et «rebelle» de Dieu et l’Eglise catholique.
Le point d’orgue ayant été le 21 octobre 2012 lorsque les adeptes de Zebiya avaient défié publiquement la décision du curé de la paroisse de Rukago interdisant de porter la voile pendant la messe. Il en résulte les échauffourées et 9 des adeptes de Zebiya sont tués par la police.
Le 12 mars 2013 une trentaine de ses fidèles sont encore tués sur le site de Businde où elle avait herigé un «sanctuaire » avec un grand statut de la Sainte Vierge. Ce qui pousse la «prophetesse» d’entrer en clandestinité.
Le 08 août 2014, l’Etat se décide de détruire son «sanctuaire» et ses trois grandes maisons parmi lesquelles un orphelinat. Les adeptes de la «prophétesse» continuent toutefois à se réunir en clandestinité dans des maisons privées, y compris dans la capitale burundaise, pour réciter le rosaire (chapelet) pendant que les services de sécurité traque “Zebiya” contre laquelle un mandat d’arrêt avait été lancé. Une centaine de ses adeptes seront arrêtés et condamnés à des peines de 6 mois à 5 ans.
C’est en avril 2015 que la plupart des «pèlerins de Businde» traversent la frontière pour se réfugier en RDC pour rejoindre un autre groupe venu depuis 2013. Leur «camp de réfugiés» était installé à Kamanyola à côté de la base de la Monusco/Casque Bleus. Le site de Kamanyola comptait à l’époque 1017 femmes, 953 enfants, 522 hommes, soit 2.492 réfugiés et demandeurs d’asile. Je souligne en passant que sur 522 hommes 447 étaient présents lors du rassemblement de Goma !
Comme le camp de réfugiés burundais de Lusenge (Fizi), le site de Kamanyola etait en proie à des tentatives de recrutement des rebelles burundais. Le gouvernement burundais avait alors fait des pressions sur la RDC pour rapatrier tous les réfugiés burundais ce qu’ils ne voulaient pas. L’ administrateur du territoire de Walungu dont dépend Kamanyola, Monsieur Dominique Bofondo, les avait menacé verbalement d’expulsion. Quelque temps après, 4 adeptes sont arrêtés avec les armes blanches, «gourdins », selon la police, ce que protestent les réfugiés qui disent que leurs quatres coreligionnaires ont été exfiltrés du camp.
C’est ainsi que le 15 septembre 2017 la violence éclate entre les militaires et les manifestants qui protestaient contre le transfert de ces quatre réfugiés à Uvira. L’armée tire à balle réelle dans la foule tuant sur le champ 31 réfugiés dont femmes et enfants. Le fusillade ayant fait au total 38 morts. J’avais à l’époque dénoncé cette barbarie de notre armée contre les réfugiés qu’on aurait pu maîtriser autrement. Cette réaction, jugée « disproportionnée » par la MONUSCO, est due à la mort d’un militaire congolais dont un réfugié aurait ravi l’arme au cours des échauffourées avant de l’abattre avec, selon la thèse officielle. Le porte-parole du gouvernement de l’époque, Lambert Mende, avait alors annoncé une enquête pendant que l’autorité provinciale parlait du «débordement» des militaires face aux jets de pierres des manifestants.
Ce «massacre » de septembre 2017 avait alors poussé les «pèlerins de Businde» à se réfugier au Rwanda voisin, du moins à 85 %, Kamanyola étant une localité frontalière du Rwanda où ils firent cantonner dans les sites de Nyarushishi, Nyanza et Bugera.
De là, les services de renseignement rwandais avaient voulu recruter les hommes pour les enrôler dans la rébellion burundaise sous le commandement de Godefroid Niyombare. Ce que refusèrent les réfugiés qui se décidèrent de rentrer volontairement dans leur pays.
1.604 adeptes furent alors convoyés par le HCR et les autorités rwandaises jusqu’au Burundi le 04 avril 2018. Une deuxième vague de repatriement était composé de 900 réfugiés, puis 383 réfugiés. Jimmy Nemeyimana, ex militaire des forces spéciales de l’armée burundaise, adepte et chargé de sécurité de Zebiya, avait déclaré le 14 avril 2018 devant la presse, qu’entre se laisser utiliser par le Rwanda et rentrer dans leur pays malgré la répression, ils avaient choisi la deuxième option disant que les tentatives de recrutement avaient commencées depuis leur cantonnement à Kamanyola. Ils avaient fait seulement deux semaines au Rwanda avant d’être rapatrié, refusant en plus de se faire enregistrer biométriquement et faire vacciner leurs enfants, car, pretextent-ils, c’est contraire à leur croyance. “La Vierge Marie, interdiserait ça !” C’est la raison officielle annoncée pour justifier leur rapatriement.
Le reste des quelques 3.000 adeptes de ZEBIYA sont ceux qui, en petits groupes, se seraient déplacés plus loin de la frontière burundaise et en dehors du Rwanda.
Selon plusieurs sources, plus d’un millier d’entre eux, précisément 1.387, vivent séparément, quelques-uns en petits groupes, dans différents endroits au Nord-Kivu, plus précisément à Goma et ses environs. Outre le groupe de ceux-là qui s’étaient dispersés à partir de Kamanyola après cet incident quelques-uns de ceux qui étaient rapatriés au Burundi avaient repris le chemin de l’exil congolais du fait qu’ils ne pouvaient plus pratiquer leur foi au Burundi. D’autres seraient partis se réfugier en Ouganda. Le rassemblement qu’il y a eu à Goma, à Bosco Lac, consistait non seulement à «prier» ensemble, selon leur traditionnelle prière de «rosaire» et à «commémorer» la mort de leurs coreligionnaires massacrés à Businde(Burundi) en 2013 et à Kamanyola(RDC)en 2017.
Plusieurs sources concordantes indiquent que Zebiya, âgé de 31 ans et mariée à Juvenal Rugamba, un jeune burundais, s’était réfugié en Australie depuis 2016 via l’Ouganda. Elle n’était donc pas dans le camp des réfugiés de Kamanyola, moins encore au Rwanda où ses adeptes ont fait un bref séjour.
Ainsi donc ces gens rassemblés dans une parcelle à Goma ne sont pas des réfugiés burundais refoulés de la Tanzanie, moins encore des réfugiés rwandais qui viendraient «occuper les terres des autochtones». Ce sont des citoyens burundais, en majorité hutus comme leur «prophétesse» et chrétiens catholiques qui se sont réfugiés en RDC. Je souligne encore qu’ils ne sont pas venus du Rwanda, moins encore traverser la frontière de Gisenyi pour rejoindre Goma mais plutôt ils étaient venus du Sud-Kivu.
Face à cette situation trois solutions sont possibles : le rapatriement volontaire, la protection en RDC et la relocalisation dans un pays tiers.
C’est au HCR et le gouvernement congolais de régler cette question en toute responsabilité. C’est surtout à l’État congolais de prendre ses responsabilités pour éviter à ce que la «question des réfugiés» ne soit pas instrumentalisée par le régime barbare de Kigali comme il en a l’habitude. Les camps des réfugiés congolais et burundais du Rwanda servent depuis longtemps de pépinière de recrutement pour déstabiliser la RDC et le Burundi.
C’est ce que le régime de Kigali avait tenté de faire avec les adeptes de Zebiya qui, il faut le souligner, n’avaient pas voulu se laisser faire selon plusieurs témoignages. Si j’ai souligné plus haut le nombre d’hommes présents à Goma, c’est pour faire remarquer la différence qu’il y a entre le nombre des hommes se trouvant à Kamanyola dès le début, ceux rapatriés au Burundi à partir du Rwanda et ceux qui ont été retrouvé à Goma, plus de 430.
Plusieurs compatriotes se sont inquiétés, avec raison, sur le fait qu’il y avait moins d’hommes, insinuant que les maris et frères de ces femmes sont ailleurs pour une mission donnée.
La grande confusion installée est celle de faire croire que ces réfugiés sont venus récemment à Goma alors qu’ils y sont depuis 2018 travaillant dans les champs, faisant les travaux de ménage et les petits commerces pour leur survie.
Propager de telles rumeurs risquent d’exposer davantage ces pauvres réfugiés, à majorité femmes et enfants, qui ont droit de vivre et de bénéficier de la protection de l’État.
À mon avis les autorités congolaises devraient les persuader de retourner volontairement et en toute sécurité dans leur pays et/ou régulariser leurs dossiers afin de les cantonner dans un camp des réfugiés loin du Burundi et du Rwanda où ils seront contrôlés. L’expérience prouve que le rapatriement forcé des réfugiés n’a jamais été une meilleure solution dans la Région des Grands Lacs. Car non seulement ça viole le principe universel de «refuge pour tous», mais aussi sans protection officielle les réfugiés qui craignent pour leur sécurité dans leur pays d’origine peuvent se radicaliser et tomber dans le piège des gens de mauvaise volonté.
“Ces gens sont «prêts à tout» pour préserver leur foi !,” a-t-il noté.
Jean Serge Borauzima