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NORD-KIVU/ ENVIRONNEMENT : Près du parc national des Virunga en RDC, une population de plusieurs milliers de personnes y a trouvé refuge. Le parc peut-il survivre ?

Par NOELLA NYIRABIHOGO, GPJ RDC

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S’il est vrai que la déforestation menace l’avenir du parc, les abatteurs d’arbres luttent eux aussi pour leur survie.

Près de la savane verte du parc national des Virunga, au pied du volcan Nyiragongo, se trouvent des centaines de huttes en bâche blanche. Ces huttes, construites par des déplacés internes ayant fui la guerre occasionnée par le M23, abritent environ 5 000 personnes.

Les jeunes arbres, faciles à plier, servent le plus souvent à leur construction. Chaque hutte nécessite 15 à 18 arbres et est recouverte d’une bâche offerte par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance. Avec quelques clous martelés, la structure est prête pour l’habitation. Quelque 2 000 huttes ont été construites de cette manière au cours des derniers mois.

Anne Marie Vumiliya, 39 ans, fait partie des personnes déplacées qui vivent en bordure du parc, qui s’étend sur 790 000 hectares (3 050 mètres carrés). Elle prépare le déjeuner à l’extérieur de sa hutte de fortune, avec son bébé de 7 mois au dos, s’agenouille et souffle pour enflammer le bois, les yeux rougis par la fumée.

« Nous utilisons le bois pour cuisiner, car nous ne pouvons pas acheter de gaz comme les habitants de Goma. Ici, nous nous contentons de ce que nous avons », explique cette mère de cinq enfants, qui a perdu son mari pendant la guerre l’année dernière.

(Noella Nyirabihogo/Global Press Journal) Un homme porte un sac de charbon dans un campement pour personnes déplacées dans les environs du parc national des Virunga, en République démocratique du Congo.

Vumiliya affirme que le parc l’a beaucoup aidée, ainsi que d’autres personnes déplacées. « Aujourd’hui, grâce à ses arbres, nous avons des huttes qui nous protègent de la pluie », dit-elle.

Cependant, un abri n’est pas la seule offre du parc aux personnes vivant à proximité. Pour gagner quelques francs congolais, certains abattent des arbres et en font du charbon, connu sous le nom local de makala, qu’ils vendent.

Le parc national des Virunga est connu pour sa riche biodiversité : on y trouve des gorilles sauvages et d’autres espèces rares comme l’okapi, une espèce endémique de la RDC. Toutefois, la zone subit de plus en plus une pression énorme et inédite de la part des populations déplacées par la guerre qui sévit dans la partie orientale du pays, menaçant ainsi sa survie.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, l’une des principales menaces qui pèse sur le site et qui est mentionnée sur la Liste du patrimoine mondial en péril, est la déforestation à des fins de production du charbon. Faute d’alternative à cette source d’énergie, la forêt risque de disparaître d’ici 10 ans.

On ressent déjà les effets du déboisement de vastes étendues de forêt à l’intérieur du parc.
Au cours du premier semestre 2023, les gardes forestiers ont aperçu des animaux, à l’instar des chimpanzés se réfugier dans les zones du parc où les arbres n’avaient pas encore été abattus. Méthode Bagurubumwe Uhoze, responsable des relations extérieures du parc national des Virunga, explique que le taux de déforestation a augmenté de façon spectaculaire au cours de cette période de l’année, soit de 200 hectares (494 acres) en janvier à 500 hectares (1 236 acres) en mai.

Avant l’arrivée de centaines de milliers de personnes déplacées (on estime à 520 000 le nombre de personnes ayant fui leurs domiciles entre mars et décembre 2022), jamais aucune déforestation d’une telle ampleur n’avait été observée, ajoute Uhoze, car l’abattage des arbres faisait l’objet d’un contrôle. Seuls les arbres matures étaient abattus, et ce, uniquement par des personnes autorisées. Ce n’est malheureusement plus le cas. La déforestation est désormais incontrôlable.

Depuis des années, le M23, un groupe armé, se bat contre le gouvernement de la RDC pour des motifs de « marginalisation ». Bien que le groupe ait été inactif depuis 2013, ses activités se sont intensifiées depuis novembre 2021. Créé il y a 10 ans, le M23 est constitué d’anciens soldats issus en grande partie des communautés rwando-congolaises du nord, qui réclament une meilleure représentation au sein de l’administration du Nord-Kivu. Cette revendication n’ayant pas encore abouti, des affrontements se sont fréquemment déroulés entre le groupe et l’armée nationale, les FARDC, à l’issue desquels de milliers de personnes ont pris la fuite.

Anaclet, un homme de taille moyenne déplacé par la guerre, calcine des arbres pour faire du charbon. Sa chemise et son pantalon sont usés, et il est pieds nus. Debout, la machette à la main, il attend impatiemment que le charbon soit prêt pour être vendu. Anaclet, dont le nom de famille reste confidentiel pour protéger son identité, est timide, parle peu et ne veut pas montrer son visage. Il reconnaît que son action est illégale, mais affirme n’avoir pas d’autre choix, faute de moyens.

Après avoir quitté son village en territoire Rutshuru avec sa femme et leurs six enfants en janvier, Anaclet a rejoint d’autres personnes déplacées qui vivent à proximité du parc. Il se sent délaissé par le gouvernement et attribue en partie la destruction du parc à l’incapacité de ce dernier à mettre un terme au conflit. « Si je suis dans cette situation, à détruire le parc pour survivre, c’est parce que les autorités n’ont pas fait leur travail pour nous protéger », déclare-t-il.

Le dilemme d’Anaclet reflète à quel point la mission de protection de l’habitat des gorilles et d’autres animaux, aussi noble soit-elle, est incompatible avec les besoins d’une communauté qui tente désespérément de survivre grâce à ce que lui offre le parc.

Toute personne qui entre dans le parc pour y couper des arbres a bien conscience qu’il est protégé et qu’il est interdit d’y couper des arbres. Mais nombre de personnes déplacées comme Anaclet estiment qu’elles n’ont pas le choix, tant que la guerre se poursuit et empêche les gens de reprendre une vie normale.

(Noella Nyirabihogo/Global Press Journal) Un homme en train de brûler du charbon qu’il vend ensuite aux alentours du parc national des Virunga, en République démocratique du Congo.

« Si j’ai quitté mes champs, qui étaient la source de subsistance de ma famille, et que je me retrouve dans cet endroit où je n’ai rien pour nourrir ma famille, quelle autre option ai-je », demande Anaclet.

Jean Claude, dont l’identité se limite à son prénom, est un déplacé qui s’est réfugié dans les environs du parc des Virunga. Il explique que le manque d’aide humanitaire le contraint à se contenter de ce qui est disponible, notamment les ressources du parc.

Âgé de 37 ans et père de quatre enfants, Jean Claude a fui son village il y a plus de cinq mois et dit n’avoir reçu aucune aide depuis son arrivée dans le camp. Même si plusieurs organisations internationales, comme l’UNICEF et la Croix-Rouge, en partenariat avec le gouvernement, apportent souvent de l’aide aux personnes déplacées, tout le monde n’y trouve pas son compte.

Le général Sylvain Ekenge, porte-parole à l’échelle nationale de l’armée congolaise, affirme néanmoins que le gouvernement fait tout ce qui est en son pouvoir pour aider la population en subvenant à ses besoins de base, tels que l’eau potable et les soins médicaux.

(Noella Nyirabihogo/Global Press Journal) Des hommes se tenant au-dessus de tas de grumes provenant du parc national des Virunga, en République démocratique du Congo.

En revanche, les victimes des effets cycliques de la guerre sont abandonnées à leur sort et doivent chercher d’autres moyens de survie. « L’aide qui arrive n’est pas suffisante pour le nombre de personnes dans les camps, alors nous n’avons pas d’autre choix que de nous débrouiller avec ce que nous pouvons, pour ne pas voir nos enfants mourir de faim sous nos yeux », dit Jean Claude, ancien agronome dans son village à Rutshuru, qui connaît les conséquences de l’abattage d’arbres. « J’avais l’habitude de mener des campagnes de sensibilisation sur les conséquences de la déforestation pour les habitants de mon village, et me voilà maintenant en train de faire le contraire », dit-il, avant d’ajouter : « Je n’en suis pas fier, mais si je ne le fais pas, comment vais-je survivre ? Où vais-je vivre avec ma famille ? Et comment vais-je les nourrir ? »

Ainsi, tous les matins avant l’aube, il se rend dans le parc avec sa machette pour couper du bois et le transformer en charbon, qu’il vendra pour 70 000 francs (environ 115 dollars américains). Avec cet argent, il est en mesure d’acheter de la nourriture pour sa famille.

Bwanampongo Kulimushi, vice-doyen de la recherche à la faculté des Sciences agricoles et de l’Environnement de l’Université de Goma, souligne la nécessité de protéger le parc à tout prix et d’entreprendre des efforts visant à le reboiser dès que les personnes déplacées auront regagné leurs villages.

La déforestation, ajoute-t-il, contribue au réchauffement de la planète de par le rejet du carbone naturellement retenu dans les arbres.

(Noella Nyirabihogo/Global Press Journal) Des personnes en train de construire des huttes pour les familles déplacées par la guerre dans les environs du parc national des Virunga, en République démocratique du Congo.

Uhoze, témoin des événements survenus dans le parc, estime que la situation est alarmante.

« Nous sommes confrontés à un événement sans précédent, car d’une part, nous avons des personnes déplacées qui doivent survivre après avoir quitté leurs villages à cause de la guerre et, d’autre part, nous avons un parc à protéger », explique-t-il.

Une solution provisoire à la situation a été de mettre en place une barrière à l’intérieur du parc, les gardes forestiers du parc national des Virunga contrôlant l’accès à la zone.

« En attendant, nous espérons que la situation s’améliorera et que les personnes déplacées pourront retourner dans leurs villages », explique Uhoze.

Face à toutes ces conséquences, les personnes déplacées soutiennent que le seul moyen d’arrêter la déforestation dans le parc est de ramener la paix dans leurs villages pour qu’elles puissent retourner à leur vie quotidienne.

« Je comprends l’importance de préserver le parc, mais ma vie et celle de ma famille passent avant tout ! C’est soit couper les arbres du parc, soit voir ma famille mourir de faim », confie Anaclet avant de conclure : « Je n’ai aucune hésitation ! Ma famille passe avant le parc. »

Global Press Journal


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