Par Me Idesbald BYABUZE Katabaruka
Avocat au Barreau du Sud-Kivu
République Démocratique du Congo
Tél.:(243)997724258
Kinshasa, le 01.08.2024
Très chers compatriotes,
Ce 02.08.2024 marque la deuxième célébration d’un souvenir amer : le génocide congolais.
Comme si c’était hier, vingt-six années n’ont pu effacer de la mémoire collective congolaise les pires malheurs infligés aux Congolaises et Congolais de tous âges et de toutes conditions dès six heures ce matin-là du 02.08.1998.
Une longue déclaration de l’entrée en guerre contre notre cher pays fut annoncée fièrement sur les antennes de la Radio Télévision Nationale Congolaise émettant de Bukavu par un porte-parole d’un mouvement présenté comme étant le Rassemblement des Congolais pour la Démocratie, RCD en sigle.
Au même moment, des détonations d’armes automatiques et lourdes plongèrent toute la ville dans la stupeur.
Le calvaire des déplacés venait de commencer pour des familles. L’errance débuta pour des milliers de migrants internes.
D’autres ne sachant à quel saint se vouer se cloîtrèrent dans leurs habitations, la peur au ventre.
Très vite, une nouvelle administration fut mise sur pied, dirigée par les nouveaux maîtres des lieux forçant au travail les anciens et châtiant avec une extrême sévérité tous les réfractaires au brusque changement, allant de la bastonnade en public à la fusillade pour servir de leçon.
Le déshonneur fut total et insupportable pour des hommes et des femmes obligés canon de fusil ou baïonnette à la tempe, d’ouvrir grandement leurs bouches pour y recevoir des crachats d’hommes armés et les avaler.
Des assassinats ciblés rythmaient le quotidien des Bukaviens et par la suite de tous les Sud-Kivutiens et de tous les habitants de l’ancien grand Kivu.
De fil en aiguille, des gouverneurs furent nommés, des députés provinciaux coptés et les services de sécurité réformés.
La liberté de la presse fut bannie, les radios communautaires interdites, des journalistes traqués ou tués. Seuls étaient actifs les instruments de propagande des occupants débitant nuit et jour des flots d’insultes et menacessur nos populations et le pouvoir de Kinshasa.
Des cachots officiels et surtout privés qu’étaient des maisons et des containers ainsi que les prisons étaient bondés de détenus.
La justice des vainqueurs était pour punir les vaincus.
Tout se décidait à Goma, siège du pouvoir obéissant scrupuleusement au doigt et à l’oeil aux injonctions du parrain rwandais.
Des attributs de souveraineté apparurent notamment le drapeau, des imprimés de valeur mais la résistance populaire fut farouche au point de mettre en échec la circulation des plaques d’immatriculation pour véhicules frappées au Rwanda et la tentative d’imposition de la monnaie nationale de ce pays-là.
La délation, les intimidations, les trahisons, la manipulation, les leçons de criminalité se portèrent bien.
L’usage de tous types de poison fut une arme de guerre au même titre que le viol et le sida.
Les rapports sociaux se distendirent et la méfiance généralisée se substitua à la confiance de jadis entre les individus et la cohabitation pacifique entre les communautés.
Les hommes de Dieu ne furent pas épargnés de la mort et les lieux des cultes profanés, détruits, interdits d’accès ou fermés.
L’incertitude du lendemain et le bonheur de dormir et se réveiller vivant étaient le tableau psychologique de quiconque.
Les enlèvements et les tueries ne se comptaient pas rapportés par ce communiqué laconique: « enlevé ou tué par des individus non autrement identifiés » mettant fin à des enquêtes n’ayant jamais connu même un semblant de début.
Tuer était pour les sanguinaires du RCD comme un jeu d’enfant écrasant avec plaisir des mouches ou des chiens.
Le nombre des victimes croissait exponentiellement et très souvent sans possibilité de sépulture car interdite.
Des centres de recherche, des hôpitaux, l’Office des Routes, l’Office de Voirie et Drainage et même des institutions d’enseignement furent dépouillés de leurs outils emmenés de l’autre côté de la frontière sous les regards hébétés des citoyens.
Des biens immobiliers de l’Etat furent privatisés sans vergogne et ceux de nombreux particuliers spoliés. Tout n’était que jungle.
Des espaces publics furent charcutés ouvrant la porte aux fameux morcellements des parcelles ayant conduit aux constructions anarchiques et au remplissage de Bukavu où plus un mètre-carré n’échappe à ce jour à la construction.
L’objectif atteint était d’effacer la beauté de la ville et faire disparaitre à jamais son charme et son attrait touristique pendant qu’en face au Rwanda voisin, la végétation luxuriante surplombant le lac Kivu détourne de Bukavu les envies et les regards des touristes. Jadis appelé la Suisse de l’Afrique, le Kivu a été s’est paré de laideur.
Voici les faits marquants et poignants que nous Congolais ne devrons jamais oublier sous peine de subir la malédiction de nos frères et soeurs martyrs et l’impitoyable jugement de l’histoire :
*des dizaines de millions de morts documentés ou non;
*des tortures et des morts infligées à nos populations par des pratiques relevant de l’absence totale du moindre sentiment d’humanité ;
*la culture de la mort importée et imposée qui se cristallise depuis vingt-six ans dans les coeurs de très nombreux compatriotes contrastant avec nos mentalités et les traditions héritées de nos ancêtres ;
*l’égoïsme, l’appât du gain et la trahison ont transformé des Congolais en bourreaux d’autres Congolais à l’instar des envahisseurs;
*la main longue de l’étranger commanditant, opérant ou téléguidant le massacre à très grande échelle des Congolais innocents sous le couvert de fausses rébellions alors que guerres ouvertes véritablement ;
*la compassion rarement exprimée par la Communauté internationale et un saupoudrage de décisions sans grands effets s’agissant du cas congolais;
*l’incurie totale sur le nombre effrayant de morts pourvu que les incommensurables richesses de la RDC donnent de l’eau au moulin des industries des pays prédateurs et fassent exploser les chiffres d’affaires des multinationales.
Le chapelet de nos malheurs est très long et loin d’être arrêté.
Au delà du nombre de morts, de veufs, veuves et orphelins, le cas immonde qui résume toute la barbarie du génocide congolais est et restera jusqu’à la fin du monde l’enterrement des femmes vivantes à Mwenga dans la Province du Sud-Kivu.
Quel supplice, quelle méchanceté, quelle cruauté, quelle annihilation de la dignité humaine !
Curieusement et fort malheureusement, les acteurs sont connus et protégés des sanctions à travers des arrangements politiques et une complicité regrettable de la part de ceux qui avaient planifié, vu venir, laissé faire sans arrêter l’inqualifiable de ces vingt-six dernières années.
Très chers compatriotes, comme toutes les nations du monde qui ont subi la folie sanguinaire mais refusant d’oublier, commémorons dans l’unité et pérennisons aussi à notre manière le GENOCOST.
L’oubli de nos morts serait une insulte condamnable et impardonnable.
Sentiments fraternels et patriotiques.
Me Idesbald BYABUZE Katabaruka (IBK)
La rédaction
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