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RDC/ POLITIQUE : Sous Félix Tshisekedi, la parole étouffée, les armes comme seule voix audible (Christian Bahati FOBAC)

La République démocratique du Congo traverse l’une des périodes les plus sombres de son histoire récente. Sur plusieurs fronts, politiques comme sécuritaires, les signaux d’alerte se multiplient.

Depuis plus d’un an, de vastes zones du Nord-Kivu et du Sud-Kivu échappent au contrôle de l’État. Le mouvement armé M23, allié à l’AFC, y impose son autorité. Une situation qui fragilise des millions de civils et met en cause la capacité du pouvoir central à défendre l’intégrité du territoire.

Sur le plan politique, les principales figures de l’opposition vivent en exil. Certaines affirment avoir quitté le pays sous pression, dénonçant un climat où la contestation n’a plus d’espace d’expression. Cette réduction du champ politique s’ajoute à un sentiment généralisé d’épuisement dans la population.

Le quotidien des Congolais s’est alourdi. Les prix grimpent, le dollar s’impose dans les transactions, et les tentatives de stabilisation monétaire restent fragiles. Plusieurs décisions économiques du gouvernement sont perçues comme déconnectées des réalités de la majorité, déjà éprouvée par la pauvreté. À Goma et Bukavu, la fermeture temporaire des banques a amplifié l’inquiétude, empêchant des milliers de familles d’accéder à leurs économies.

D’autres drames rythment la vie nationale : des éboulements meurtriers dans les mines artisanales, des naufrages à répétition, la montée du banditisme urbain, ou encore la présence inquiétante de groupes armés aux portes de Kinshasa. Autant d’événements qui alimentent la frustration sociale.

Cette colère est renforcée par des décisions qui interrogent. Des montants importants auraient été mobilisés pour soutenir des clubs de football européens, alors que plus de 90 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. La réception fastueuse des Léopards à Kinshasa, alors que plus d’une centaine de personnes venaient de mourir au stade des Martyrs, a laissé un goût amer. Les sinistrés des inondations d’avril, hébergés dans l’enceinte du stade, n’ont reçu qu’une aide minimale.

Face à cette impasse, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) appelle au dialogue. Les évêques estiment qu’une rencontre entre le pouvoir et l’opposition pourrait désamorcer la crise. Mais depuis l’annonce de cette initiative, les réactions du camp présidentiel semblent montrer une réticence évidente. Les évêques, autrefois partenaires d’écoute, sont devenus cibles de critiques.

Le contraste est frappant : tandis que Félix Tshisekedi refuse d’ouvrir un dialogue politique interne, il se retrouve engagé dans des négociations délicates à Doha et à Washington avec les responsables de l’AFC-M23, ceux-là mêmes qui ont pris les armes. Le message envoyé inquiète : l’État semble accorder plus d’attention à ceux qui choisissent la violence qu’à ceux qui plaident pour un débat politique.

Cette logique est lourde de conséquences. Elle laisse penser que, pour se faire entendre, il faudrait d’abord recourir à la force. Une perception dangereuse dans un pays où des dizaines de groupes armés attendent la moindre faille pour se reconstituer.

Même si le M23 venait à perdre du terrain, d’autres rébellions pourraient émerger, nourries par ce sentiment : sans armes, aucune voix ne porte jusqu’au pouvoir.

La rédaction


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