Après les symboles et les « regrets » pour les blessures de la colonisation, la dernière étape du voyage de six jours du roi des Belges en RD Congo a été marquée dimanche par les combats en cours dans l’est et un regain de tension avec le Rwanda voisin.
Le roi Philippe, son épouse la reine Mathilde et la délégation gouvernementale belge qui les a accompagnés durant leur premier déplacement ont rencontré le médecin congolais Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, dans son hôpital de Panzi, à la périphérie de Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu.
C’est là que sont soignées depuis la fin des années 90 des femmes victimes d’atroces violences sexuelles utilisées comme « arme de guerre » dans cette région de l’est de la RDC qui, comme les provinces plus au nord de l’Ituri et du Nord-Kivu, sont en proie depuis près de 30 ans aux violences de groupes armés.
Denis Mukwege, connu comme « l’homme qui répare les femmes », mène aussi un combat contre l’impunité entourant et encourageant selon lui ces crimes. Il milite pour une « justice transitionnelle » et un tribunal international pour la République démocratique du Congo.
Au moment où le couple royal arrivait dimanche matin à Bukavu en provenance de Lubumbashi, grande ville du sud-est minier, de nouveaux combats violents étaient signalés au Nord-Kivu, à la frontière ougandaise, entre l’armée congolaise et la rébellion du « M23 » (pour « Mouvement du 23 mars »).
Ancienne rébellion tutsi vaincue en 2013, le M23 est réapparu en fin d’année dernière, en reprochant aux autorités de Kinshasa de n’avoir pas respecté des engagements pour le désarmement et la réinsertion de ses combattants. De nouveau, la RDC accuse le Rwanda de soutenir et armer cette rébellion, ce que Kigali continue de nier.
Pour Denis Mukwege, l’implication rwandaise ne fait pas de doute. « L’agression est claire, il faut la nommer, et la Belgique peut le faire », a lancé le docteur lors d’une conférence de presse avant l’arrivée du roi des Belges à l’hôpital de Panzi.
Il a estimé que la Belgique pouvait « jouer un rôle très important » dans cette crise et a également pris à témoin la communauté internationale dans son ensemble face à cette « agression », qu’il a comparée à la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine.
« Un acte fort »
« Nous, on nous demande de négocier avec nos agresseurs, alors que quand la Russie a agressé l’Ukraine, ce sont toutes les nations qui ont demandé que cette agression s’arrête », a-t-il estimé, déplorant que la RDC et le Rwanda soient renvoyés dos-à-dos dans cette crise. Il faut arrêter « l’humanisme à géométrie variable », le « double standard », a-t-il demandé.
Dans un discours mercredi à Kinshasa, qui lui avait permis de redire ses « plus profonds regrets pour les blessures » infligées aux Congolais durant la période coloniale, le roi Philippe avait aussi parlé de « la violence inhumaine et de l’impunité » régnant « trop souvent » dans l’est. Il avait également évoqué « la préservation de l’intégrité territoriale du Congo, une préoccupation majeure ».
Le souverain n’a pas pris la parole dimanche. Mais la ministre belge de la Coopération, Meryame Kitir, a réaffirmé le « soutien » de la Belgique au « droit de la RDC de défendre l’intégrité de son territoire et de défendre sa population contre les groupes armés et toute ingérence extérieure ».
« Tant la RDC que ses voisins doivent effectuer des efforts internes pour assainir la situation sécuritaire », a-t-elle déclaré, en appelant à éviter tout « message de haine vis-à-vis de certaines communautés ».
« Nous rendre visite en ce moment, où le Congo est victime d’une énième agression, est un acte humanitaire fort », « un acte de courage exceptionnel », a estimé le Dr Mukwege.
« Nous ne vous oublierons jamais, vous êtes des femmes d’exception pour la manière dont vous avez fait face aux atrocités », a de son côté déclaré la reine Mathilde aux femmes rencontrées à l’hôpital, selon le service de communication du Premier ministre congolais qui participait à la visite.
Le roi et la reine devaient retourner dans la soirée à Lubumbashi puis regagner Bruxelles lundi.
Maharikirdc/ AFP
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