LES GRANDS TITRES

KINSHASA/ SOCIÉTÉ : « Les malheurs de Kalehe »: Une lettre ouverte de Maître Idesbald Byabuze Katabaruka, avocat au barreau du Sud-Kivu et enseignant d’universités adressée aux Congolais

Dans une correspondance dont nous proposons l’intégralité, Maître Idesbald Byabuze Katabaruka, enseignant d’universités et acteur politique congolais, lance une dinette d’alarme sur les précautions à prendre pour éviter prochainement une autre catastrophe à Kalehe.

Voici à cet effet la lettre ouverte qu’il adressé aux Congolais:

Très chers compatriotes,

Sans être la première du genre, apocalyptique a été la nuit du 04 au 05 mai 2023 en Territoire de Kalehe dans la Province du Sud-Kivu.
Le décompte des morts et des blessés a suscité des contradictions. Somme toute, des centaines d’hommes, femmes et enfants ont péri dans cette énième catastrophe naturelle.
Le bilan des destructions a été sans équivoque en raison de leur gravité.
Des familles entières ont disparu; des villages et des centres de négoce rasés; des citoyens appauvris totalement ou un peu plus en l’espace d’une nuit seulement ; des infrastructures de tous ordres dévastées, bref, un malheur, le vrai.

La routine des interventions d’urgence a été au rendez-vous : course contre la montre pour marquer la présence avant quiconque; campements de fortune; dons en vivres et non-vivres, distribution d’argent; discours de compassion et promesses de lendemains meilleurs pour les survivants sur fond de rivalités d’altruisme ou de visibilité. La population éprouvée a été certes et est encore sensible et reconnaissante à toute cette mouvance. Néanmoins, la désapprobation de l’inhumation en fosse commune des premières dizaines de corps découverts est considérée comme un malheur de plus par les localités frappées à Bushushu et Nyamukubi.

Loin des débats et des connotations des uns et des autres sur ce triste événement, qu’il nous soit permis de ressasser ici des causes lointaines et proches pouvant permettre d’apporter une réponse à la question de pourquoi en est-il ainsi.

Le Territoire de Kalehe réuni (Chefferies et Groupements de Buhavu, Buloho, Kalima, Kalonge, Buzi, Mbinga-Nord, Mbinga-Sud, Mubugu) fut depuis l’époque coloniale le lieu par excellence de la culture du café au Kivu. L’exploitation des grands espaces par les colons ne fut pas un choix hasardeux et toute la population fut mise à contribution. Les plantations organisées étant devenues désuètes ou presque après la zairanisation, le malheur de Kalehe débuta avec l’exportation frauduleuse nuit et jour du café à l’effet d’appauvrir les petits producteurs paysans mais faisant du Rwanda un acteur sur les marchés internationaux.
Le deuxième malheur fut l’exploitation désordonnée de la cassitérite dont le marché mondial avait besoin. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, une fois de plus, le Rwanda tira un important dividende de ce commerce qui occasionnait l’abandon de la culture caféière et de principales cultures vivrières.
Le troisième malheur fut la combinaison des effets pervers de l’affluence des réfugiés hutus rwandais et du boom du coltan dont la forte demande de toutes parts dans les pays industrialisés déconnecta les populations de la réalité du terrain. En effet, les flancs et les sommets des collines et des montagnes se transformèrent en importantes galeries à ciel ouvert au mépris des conséquences futures dont les lentes érosions du sol, les grands éboulements, les inondations, l’insécurité alimentaire et la pauvreté devenue endémique. Paradoxalement, l’économie rwandaise connut et connait à ce jour une embellie fondée sur des trafics illicites d’un minerai stratégique pour le monde alors que le pays n’en produit pas une seule petite brouette.
Le plus grand malheur de Kalehe aura été depuis de longues décennies et de toute évidence, l’absence de mesures fortes et de politiques salvatrices face aux dangers précités sans parler de la radioactivité caractéristique des minerais exploités essentiellement de manière artisanale et très souvent anarchiquement.

En définitive, pendant que les populations des hauts, moyens plateaux et du littoral du lac Kivu paient le prix de cet état de choses, celles, Tembo, silencieuses, résilientes et peut-être moins malheureuses se battent quoique difficilement autant pour la sécurité du Territoire que pour la préservation de la forêt et ses innombrables ressources, un exemple à suivre par tous les Congolais. Tout en joignant notre modeste voix à celles de tous les compatriotes compatissants et tenant compte de tout ce qui est décrit dans cette réflexion, nous souhaitons de tout cœur que le Territoire de Kalehe, si utile, s’invite à la table des priorités du Gouvernement de la République et des institutions de la Province du Sud-Kivu pour conjurer la survenue d’un nouveau malheur.

Salutations fraternelles et patriotiques.
Me Idesbald BYABUZE Katabaruka (IBK)


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